Une si longue lettre de Mariama Bâ


D’élève excellente, Mariama Bâ est devenue une brillante romancière. Nous pouvons affirmer sans crainte de nous tromper et sans chauvinisme[1] aucun qu’au-delà de son statut de pionnière de la littérature féminine sénégalaise, elle est aussi un des mastodontes de la littérature africaine.  L’aura et le succès de son premier opus littéraire ont poussé les techniciens de l'éducation au Sénégal à inscrire Une si longue lettre au programme des élèves de Troisième. Il nous plaît ici d’apporter notre modeste contribution pour une meilleure compréhension de ladite œuvre.
I-                  LA BIOBIBLIOGRAPHIE DE MARIAMA BA
De prime abord, signalons que la fille de l’ancien ministre de la santé du Sénégal[2] est née à Dakar un jour d’avril 1929. Cette lionne de la prose sénégalaise et africaine a perdu sa mère à un âge très tendre. Recueillie et encadrée par sa grand-mère maternelle, elle sera formatée dans les mœurs anciennes et les traditions musulmanes. Elle fréquentera l’école élémentaire de l’avenue Albert Sarraut[3]  où elle décroche avec brio en 1943 son certificat d’études primaires. Major de sa promotion à l’école normale de Rufisque, elle y sortit après quatre années de formation avec un diplôme d’institutrice. Par la suite, elle quittera les classes pour intégrer l’inspection régionale de Dakar.
Mère de neuf bouts de bois de Dieu[4], la présidente de la FAFS (Fédération des Associations féminines du Sénégal) a été mariée à trois reprises : d’abord à Bassirou Ndiaye (avec qui elle a eu trois filles), ensuite à Ablaye Ndiaye (une seule fille) et enfin à Obèye Diop (cinq enfants). Son divorce d’avec son troisième époux la pousse à apporter sa pierre à l’émancipation de la femme africaine à travers des organisations féminines comme Soroptimist, Zonta, Club de Dakar, etc.
Cette formidable plume du fait de sa trajectoire de vie à la Alfred de Musset (en ce sens qu’elle n’a vécu qu’une cinquantaine d’années) n’a eu à produire que deux romans ; un de son vivant en 1979, à savoir Une si longue lettre (récompensé par le Prix Noma) et un autre posthume, Un Chant écarlate, en 1981 (date de sa mort dans la nuit du 17 Août).

II-             LA COMPOSITION ET LE RESUME DE S.L.L.[5]
Une si longue lettre relate les joies et les déceptions d’une femme sénégalaise du nom de Ramatoulaye. Confinée dans la retraite du veuvage et usant du prétexte de la lettre, elle ressasse ses souvenirs de couple et partant ceux de sa meilleure amie Aïssatou. La forme épistolaire opère certes des retours en arrière mais ne s’épargne pas l’analyse du vécu présent d’une famille, d’une nation  voire d’un continent.
L’art de la romancière a donné jour à une œuvre composée de 27 chapitres. Toujours dans la quête du sens du roman, nous avons pris la liberté de titrer les différentes subdivisions de ce livre. C’est ainsi que nous avons successivement :
Ø  Le chapitre I intitulé Une mort brutale : il s’agit du décès de Modou Fall qui en surprend plus d’un (sa collègue de travail, son ami et sa femme) ;
Ø  Le chapitre II (ou Les première et deuxième journées des funérailles) voit la villa « Faaléen » refuser du monde. Des connaissances venues de partout affluent pour rendre hommage au défunt ;
Ø  Le chapitre III (ou La prolongation des funérailles) concerne les troisième (surtout), huitième et quarantième jours de deuil faits de prières et souhaits pour le repos de l’âme du mort. Pour les Musulmans, elle se matérialise par des récitals de Coran mais ici elle perd son cachet solennel à cause de la ripaille, de l’exhibitionnisme, du babillage et de la légèreté des femmes ;
Ø  Le chapitre IV ou La deuxième mort de Modou Fall : celle-ci affleure avec le rituel du Miraas[6]. Cette pratique islamique dévoile l’ampleur du reniement et de la trahison du défunt vis-à-vis de sa première famille consacrant ainsi sa déchéance ;
Ø  Le chapitre V (ou Méditations autour de la souffrance) prouve à souhait l’esprit de dépassement de Ramatoulaye. Malgré sa peine, elle la relativise en focalisant sur la douleur à l’échelle panhumaine ;
Ø  Le chapitre VI (ou Un amour en gestation) retrace les premiers moments des amours de Modou Fall et de Ramatoulaye ;
Ø  Le chapitre VII (ou Une africaine émancipée)  constitue un hymne à l’école et à la directrice blanche dudit établissement qui ont fait de l’héroïne une femme libre et libérée des pesanteurs sociales ;
Ø  Le chapitre VIII (ou Supputations autour d’un mariage et de l’éducation) : celles-ci concernent l’union entre un noble et une roturière, les exclus de l’école occidentale et, le désintérêt pour les métiers manuels ;
Ø  Le chapitre IX (ou Des couples heureux) relate les instants de plaisir et de détente que s’offraient les jeunes mariés Modou-Ramatoulaye d’une part et, d’autre part Mawdo-Aïssatou ;
Ø  Le chapitre X (ou A la croisée des chemins) : nos principaux personnages sont partagés entre tradition et modernité, entre syndicalisme et politique, entre colonialisme et indépendance, entre parti unique et multipartisme ;
Ø  Le chapitre XI (ou Une mère revancharde) montre comment Tante Nabou concocte sa vengeance contre l’usurpatrice Aïssatou;
Ø  Le chapitre XII (ou Une décision courageuse) met en exergue une femme digne qui armée de sa seule foi, décide de poursuivre seule son chemin sans son « premier amour »[7], sans le père de ses enfants ;
Ø  Le chapitre XIII ou (Une nouvelle renversante) : l’information selon laquelle Modou est devenue polygame laisse Ramatoulaye sans voix ; la nouvelle amie de Daba l’évince du cœur de son époux ;
Ø  Le chapitre XIV (ou Un choix controversé) : contre les avis de Farmata, de sa fille aînée Daba et de ses autres enfants, l’institutrice accepte le fait de la polygamie ;
Ø  Le chapitre XV (ou Une rivale disqualifiée) : au régistre des comparaisons, Binetou ne fait pas le poids. Sous la plume de Ramatoulaye, la petite Nabou lui est préférée comme seconde épouse (n’en déplaise à Aïssatou) et son couple bat en retraite face à l’harmonie du duo Abdou-Daba ;
Ø  Le chapitre XVI (ou Une womanist [8]) : l’amie d’Aïssatou assume son état de femme abandonnée. Elle vainc ses peurs, ses complexes et remplit avec sérieux sa nouvelle fonction de responsable de famille ;
Ø  Le chapitre XVII (ou Le diagnostic d’un mariage) montre une héroïne qui appose un œil critique sur sa vie de couple, qui essaie de comprendre le pourquoi et le comment de sa rupture d’avec son époux ;
Ø  Le chapitre XVIII (ou Un prétendant éconduit) met à jour les visées conquérantes de Tamsir. Dès après la cérémonie du quarantième jour, il veut faire revivre le lévirat[9]. Ce que n’accepte pas Ramatoulaye qui lui envoie une véritable volée de bois vert ;
Ø  Le chapitre XIX (ou Premier et deuxième jours de reconquête) met face à face un éternel amoureux (Daouda Dieng) et une veuve désirée qui substitue habilement l’échange amoureux à la discussion politique ;
Ø  Le chapitre XX (ou Troisième jour de reconquête) permet à l’homme aux « dents sans espacement »[10]  de signifier à la belle-sœur de Tamsir qu’il aimerait bien faire d’elle, à la fin de son veuvage, sa deuxième épouse ;
Ø  Le chapitre XXI (ou Conquêtes et reconquêtes) : ici, le député ne conquiert pas le cœur de l’héroïne mais celui de sa griote Farmata ; à sa suite, défile une multitude de conquérants sous les yeux de la veuve. Dans ce sillage, Daba reconquiert la villa SICAP et Binetou sa liberté ;
Ø  Le chapitre XXII (ou Les soucis d’une mère esseulée) décrit la profession de mère célibataire qu’expérimente désormais Ramatoulaye avec tous les tracas de la vie quotidienne ;
Ø  Le chapitre XXIII (ou Interrogations d’une éducatrice) confronte Ramatoulaye aux écarts de conduite de certaines de ses filles. Se pose alors pour elle la question lancinante d’une réadaptation de l’éducation qu’elle leur a donnée ;
Ø  Le chapitre XXIV (ou Les soucis d’une veuve) s’inscrit dans la même logique que les chapitres 22 et 23. De nouveaux maux atteignent ses enfants : un bras cassé par-ci, une grossesse par-là ;
Ø  Le chapitre XXV (ou Un gendre presque parfait) lève le voile sur l’auteur de la grossesse de la petite Aïssatou qui réussit son examen de passage devant sa future belle-mère ;
Ø  Le chapitre XXVI (ou Des glaces brisées) : Ibrahima Sall fait la cour à sa future belle-famille en toute décontraction et sa belle-mère se débarrasse de sa pudeur  pour aborder l’éducation sexuelle avec son trio ;
Ø  Le chapitre XXVII (ou Méditations et projections) condense les dernières pensées de la narratrice. Malgré ses nombreux déboires et déconvenues, elle termine sa longue correspondance sur une note optimiste.

III-         L’ETUDE DES PERSONNAGES
La galerie des personnages dans S.L.L. laisse apparaître un certain foisonnement. La très longue lettre n’échappe pas à l’éternelle division classique. Notre roman fait voir :
§  Quatre personnages principaux :
o   Ramatoulaye est l’héroïne et la narratrice de la S.L.L. C’est l’amie d’enfance d’Aïssatou et la première épouse de Modou Fall. Génitrice de douze enfants, elle fait montre d’émancipation en préférant « l’homme à l’éternel complet kaki »[11] au médecin, le mariage simple à des noces princières, la solitude de la veuve au lévirat ou encore au confort d’un second hymen[12].
o   Aïssatou est la première destinataire de la S.L.L. Elle n’est pas seulement l’amie intime de Ramatoulaye mais aussi son âme sœur voire son alter égo[13]. Institutrice comme Ramatoulaye puis interprète, elle se différencie cependant de son amie en ce sens qu’elle prend l’initiative de la rupture et du divorce d’avec son mari.
o   Modou Fall : c’est l’amour de jeunesse de Ramatoulaye et son époux pendant trente ans (vingt-cinq ans de vie commune et cinq ans d’abandon du domicile conjugal). Bon père et bon syndicaliste, il sera atteint par le démon de midi qui lui fait oublier femme, enfants et prescriptions religieuses ;
o   Mawdo Ba reste l’ami de Modou Fall et de la famille de ce dernier. Médecin de profession consciencieux, il plie sous le chantage émotionnel de sa mère qui lui enjoint de prendre comme seconde épouse sa cousine brisant ainsi son premier ménage ;
§  Des personnages secondaires :
o   Daba est la fille aînée de Ramatoulaye et l’ancienne « meilleure amie »[14] de Binetou. Elle est aussi l’épouse d’Abdou avec qui elle est sur la même longueur d’onde ;
o   Abdou est le conjoint de Daba. C’est l’incarnation de l’homme moderne tel que le souhaitent les féministes[15] ;
o   Binetou est la seconde épouse de Modou Fall. Amie et compagne d’études de Daba, elle ne résistera pas à la cour assidue du géniteur de cette dernière. Sa beauté juvénile bouleverse la vie de Modou Fall et celle de la famille Fall et, partant son amitié avec Daba ;
o   Dame Belle-mère est présentée comme une assoiffée de vie et de promotion sociale. Naguère délaissée par son époux et vivant dans le dénuement, elle se positionne comme la principale arriviste[16] du roman. Elle contraint sa fille à sacrifier son amitié avec Daba. Ce faisant, elle est le détonateur du mariage forcé, du mariage précoce voire du mariage d’intérêt.
o   Tante Nabou: devenue veuve très tôt, elle éleva seule ses trois orphelins. Imbue de sa lignée royale et princière, elle brûle de haine pour sa brue Aïssatou qu’elle accuse d’un double vol : celui de son seul homme et celui d’avoir terni son sang de noble. En imposant un second mariage à son aîné, elle fait voler en éclats le couple de ce dernier et assouvit par ce faire sa vengeance ;
o   La petite Nabou comme le souhaite son homonyme est son « autre moi-même »[17]. Elle symbolise la femme telle que la conçoit la grande Nabou car elle est bien née et a été éduquée dans les vertus et croyances du Sine[18]. Sa fonction de sage-femme ne la pousse pas à jouer la femme émancipée ou la femme phallique[19].
§  Des personnages épisodiques :
o   Les autres enfants du couple Modou-Ramatoulaye : Mawdo Fall (brillant élève victime du racisme d’un coopérant blanc) ; Aïssatou (homonyme de l’amie de sa mère, épaule et second bras droit de sa génitrice dans les moments de souffrance, elle tombe enceinte du fait des œuvres d’Ibrahima Sall) ; le trio Arame, Dieynaba et Yacine (studieuses et émancipées, elles taquinent la cigarette) ; les jumelles Awa et Amy qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau ; le duo Malick et Alioune (deux passionnés de football) ; les petits derniers Oumar et Ousmane ;
o   Farmata la griote est experte en divination. Amie et confidente de Ramatoulaye, elle rate souvent les grandes décisions de celle-ci ;
o   La griote de la famille Fall qui joue un rôle de maîtresse de cérémonie lors de la cérémonie de funérailles du troisième jour ;
o   La belle-famille de Ramatoulaye (le père de Modou Fall, sa mère vantarde et très m’as-tu-vuiste, ses sœurs oisives et envieuses de Ramatoulaye) ;
o   Tamsir, le frère de Modou Fall qui, malgré ses trois épouses ambitionne de faire revivre le lévirat avec Ramatoulaye ;
o   L’Imam du quartier de Tamsir ;
o   Les trois épouses de Tamsir ;
o   Les quatre garçons du couple Mawdo-Aïssatou ;
o   Les deux sœurs de Mawdo bien mariées ;
o   La belle-famille de Mawdo Ba ;
o   Farba Diouf le frère de Tante Nabou qui habite à Diakhao[20] ;
o   Ibrahima Sall ou « le jeune premier séducteur »[21] est étudiant en droit à l’Université[22]. Il ne fuit pas devant ses responsabilités lorsque la petite Aïssatou tombe enceinte
o   Daouda Dieng médecin et député à l’Assemblée nationale est le symbole de la nouvelle bourgeoisie sénégalaise et du bon parti pour la mère de Ramatoulaye. Adepte du « tout ou rien »[23], il voit à deux reprises son « premier amour »[24] lui filer entre les doigts.

IV-         LA CONFIGURATION SPATIO-TEMPORELLE
Nous nous intéresserons d’abord au temps avant de nous pencher sur l’espace. Quand on aborde l’étude du temps dans un roman, il convient de distinguer le temps de l’histoire du temps de la narration. Primo, l’histoire de Modou Fall et de Ramatoulaye s’étend sur des dizaines d’années. Entre le moment de leur première rencontre à l’Ecole normale William Ponty de Sébikotane (chapitre six) et leur ménage de trente ans, on est dans la fourchette trente et quarante ans. Il s’y ajoute que le temps de l’histoire, c’est avant tout l’itinéraire de Ramatoulaye. Celle-ci englobe toutes les périodes de la vie de l’héroïne. Le roman porte de lourdes traces référant à :
-          son enfance : « Nous [Ramatoulaye et Aïssatou], nous avons usé pagnes et sandales sur le même chemin caillouteux de l’école coranique. Nous avons enfoui, dans les mêmes trous, nos dents de lait, en implorant Fée-Souris de nous les restituer plus belles. »[25]  
-          sa découverte de l’amour : « Quand nous [Modou Fall et Ramatoulaye] dansions, ton front déjà dégarni à cette époque [celle des études à Ponty-Ville] se penchait sur le mien. Le même sourire heureux éclairait nos visages. La pression de ta main devenait plus tendre, plus possessive. Tout en moi acquiesçait et nos relations durèrent à travers années scolaires et vacances, fortifiées en moi par la découverte de ton intelligence fine, de ta sensibilité enveloppante, de ta serviabilité, de ton ambition qui n’admettait point la médiocrité. »[26]
-          son mariage : « Notre mariage [celui de Modou Fall et de Ramatoulaye] se fit sans dot, sans faste, sous les regards désapprobateurs de mon père, devant l’indignation douloureuse de ma mère frustrée, sous les sarcasmes de mes sœurs surprises, dans notre ville muette d’étonnement. »[27]
N’oublions cependant pas de noter que le temps de l’histoire réfère à la fois au Sénégal colonial et au Sénégal post-indépendant. D’après la narratrice, sa cuvée est celle qui a vécu sous le magistère aussi bien des maîtres blancs que ceux noirs :
« Privilège de notre génération, charnière entre deux périodes historiques, l’une de domination, l’autre d’indépendance. Nous étions restés jeunes et efficaces, car nous assistions à l’éclosion d’une République, à la naissance d’un hymne et à l’implantation d’un drapeau. »[28]
Secundo, le temps de la narration met en pôle-position le personnage-écrivant voire la narratrice « je » et sa pratique scripturaire[29]. Dans S.L.L., la narratrice Ramatoulaye prouve à travers deux points stratégiques du texte que le temps de la rédaction de la «si  longue lettre » est le temps du veuvage. Ce moment de tristesse, de douleur et de prières est perçue par la mère de Mawdo Fall comme une période de « réclusion »[30], d’enfermement ou d’emprisonnement. La femme n’est plus libre de ses mouvements. Donc quoi de mieux que l’écriture pour faire dans la sublimation[31], pour oublier le malheur, la déception, l’humiliation et la double pénible situation [l’état de veuf et le veuvage] ? C’est ce que nous confirment les premières lignes de l’incipit[32] : « J’ [Ramatoulaye] ai reçu ton mot [celui d’Aïssatou]. En guise de réponse, j’ouvre ce cahier, point d’appui dans mon désarroi : notre longue pratique m’a enseigné que la confidence noie la douleur. »[33] 
Quant à l’excipit[34], l’autre point stratégique du texte, elle met un terme au temps de la narration. La fin du veuvage impacte sur le travail d’écriture. C’est pour Ramatoulaye un argument solide pour mettre un terme à son activité épistolaire. Cela est tellement vrai que la destinataire de la «si  longue lettre » sera présente devant elle, en chair et en os, exactement le lendemain de la fin de sa claustration. La confidence par voie épistolaire va céder la place aux effusions, aux épanchements les yeux dans les yeux. L’illustration parfaite d’un tel état de faits se trouve au début du chapitre vingt-sept :
« A demain, mon amie [Aïssatou].                                                                                    
Nous aurons donc du temps à nous, Aïssatou, d’autant plus que j’ai   obtenu la prolongation de mon congé de veuvage.
Je [Ramatoulaye] réfléchis. Cette tournure de mon esprit ne te surprend guère … Je ne pourrai m’empêcher de me livrer à toi. Autant me résumer ici. »[35]
Après la configuration temporelle, l’on peut se pencher sur celle spatiale. L’approche de l’espace dans S.L.L. met en relief principalement un milieu urbain à savoir Dakar, capitale de la République du Sénégal et un autre rural (Diakhao[36]). A côté de l’agglomération dakaroise, d’autres de moindre envergure sont mentionnées : le prétexte du retour au pays natal de Tante Nabou nous permet de les décliner. C’est ainsi qu’on apprend que « la route de Rufisque »[37] se subdivise en Nationale I et en Nationale II. La première mène vers Mbour et Kaolack (capitale du Sine-Saloum[38]) alors que la deuxième va vers Thiès, Tivaouane (« berceau du Tidianisme[39] »[40]) et Saint-Louis[41].
En ce qui concerne la capitale sénégalaise, l’on nous dévoile sa « banlieue[42] marine »[43] (avec des sites comme Ouakam, Yoff ou Ngor) et ses quartiers comme la Médina, Grand-Dakar ou les SICAP[44]. Dans cette métropole ouest-africaine, certains endroits ont attiré notre attention : le milieu hospitalier et celui de la plage.
Les structures de santé sont hétérogènes car  on nous cite plusieurs endroits comme l’hôpital Aristide Le Dantec, l’hôpital psychiatrique de Thiaroye, le Repos Mandel (actuel Centre Hospitalier Abass Ndao) et le cabinet médical de Daouda Dieng.  Ce sont des milieux de la vie (les naissances), de la mort et de la maladie. A l’exception de la boîte de Daouda Dieng, ils baignent dans la pénurie et le dénuement (« manque de personnel, d’instruments adéquats, de médicaments »).
Quant à la plage, c’est le milieu comme on dit du plein air. C’est un espace de liberté où on se sent libre et libéré. Elle diffère du milieu urbain dans la mesure où on y respire l’oxygène à plein nez. Certes, c’est la zone de prédilection des pêcheurs mais elle est envahie lors des jours de fête. L’ambiance et l’atmosphère aidant, les cœurs sont facilement en fête. Sous ce rapport, l’endroit a des vertus thérapeutiques[45]. C’est ce qu’explicite si bien le passage suivant :
« L’air marin nous incitait à la bonne humeur. Le plaisir que nous goûtions et qui fêtait tous nos sens, enivrait sainement, aussi bien le riche que le pauvre. Notre communion, avec la nature profonde, insondable et illimitée, désintoxiquait notre âme. Le découragement et la tristesse s’en allaient, soudainement remplacés par des sentiments de plénitude et d’épanouissement. »[46]








V-             LES THEMES DANS PHEDRE
L’étude thématique permet toujours de mieux appréhender le fond d’une œuvre littéraire. Une si longue lettre de Mariama Bâ n’échappe pas à la règle. C’est un roman qui offre une panoplie de thèmes qui pour la plupart permettent de mieux comprendre la société sénégalaise. Nous allons essayer d’en élucider certains :
*      La mort est définie par Le Nouveau Littré comme « la fin de la vie »[47]. Communément, elle est appréhendée comme l’arrêt de toutes les fonctions vitales. Dans l’espace sénégalais, elle a un cachet particulier. Après l’enterrement et les condoléances, les funérailles s’étalent sur des dizaines de jours d’où les cérémonies de troisième, huitième ou quarantième jour. Quand on s’intéresse au contenu des obsèques, l’on relève du positif (condoléances avec des superlatifs périphrastiques pour le mort, prières, offrandes, récitals de Coran…) comme du négatif (la légèreté des femmes, le m’as-tu-vuisme, l’exhibitionnisme, la ripaille, les courtiers de la mort[48], la bourse des valeurs[49]…). Les conséquences de la mort sont le veuvage (Ramatoulaye et Binetou), la situation d’orphelin (les enfants de Modou Fall), la dislocation de la famille….
*      Le mort met en relief la notion de cadavre humain donc un corps sans vie. On le prépare soigneusement à travers une « toilette mortuaire »[50] avec des effets comme l’eau de Cologne, le coton ou le linceul blanc. Avant d’être mis en terre, il doit être bien attaché. L’après-mort du mort nous est rapporté par le Coran : il « enfle et emplit sa tombe »[51] au troisième jour, « éclate »[52] au huitième et se « démantèle »[53] au quarantième. L’après-mort, c’est aussi le rite du « Miraas »[54]. C’est une rétrospective dans la vie du mort. La caméra cachée de sa vie livre son contenu fait de mauvaises et bonnes actions. On partage certes ses biens selon les prescriptions islamiques mais on ne cache rien de sa vie passée. C’est ainsi que Modou Fall subit une deuxième mort aux yeux de sa première famille car celle-ci découvre l’ampleur de ses frasques, de son infidélité et de sa folie d’où l’incompréhension de Ramatoulaye : « L’adjonction d’une rivale à ma vie ne lui a pas suffi. En aimant une autre, il a brûlé son passé moralement et matériellement. Il a osé pareil reniement […] »[55]
*      Le veuvage concerne ici des musulmanes à savoir Ramatoulaye et Binetou. Il s’étend sur une période de quatre mois et dix jours. Il signifie pour les veuves le retrait du monde, la sainteté, l’enfermement, la solitude et la dépersonnalisation. Concernant ce dernier aspect, Ramatoulaye remarque bien :
C’est le moment redouté de toute Sénégalaise, celui en vue duquel […] elle s’ampute de sa personnalité, de sa dignité, devenant une chose au service de l’homme qui l’épouse, du grand-père, de la grand-mère, du père, de la mère, du frère, de la sœur, de l’oncle, de la tante, des cousins, des cousines, des amis de cet homme.[56] 
Le veuvage est surtout pour l’intellectuelle Ramatoulaye un moment d’écriture. La mère de Daba profite de son embrigadement pour écrire à son amie Aïssatou. Pour elle, écrire revient à ressasser le film de sa vie, histoire d’évacuer la souffrance (« J’ai en moi assez de souvenirs à ruminer. Et ce sont eux que je crains car ils ont le goût de l’amertume. »)[57]

*      L’amitié est une affection ou un attachement voire une sympathie qu’une personne a pour une autre souvent, en dehors de toute considération sexuelle ou bien de toute relation de parenté.  Elle offre dans le roman de Mariama Bâ plusieurs visages : amies d’enfance (Ramatoulaye et Aïssatou) ; amitié entre camarades de classe (Daba et Binetou) ; amitié entre familles (celles de Modou Fall et de Mawdo Bâ, celles de Ramatoulaye et d’Aïssatou), amitié entre sœurs (l’Ivoirienne Jacqueline et ses sœurs sénégalaises ; le trio de Ramatoulaye). Elle est mise en relief par la narratrice dans le roman : « L’amitié a des grandeurs inconnues de l’amour. »[58] L’amitié se manifeste à travers des constantes comme :
-          l’assistance : « Le foulard qui les [les cheveux] protégeait, en se déplaçant, découvrait l’enduit de mixture de racines que nous y versions, car nous avions recours à tout pour arracher cette sœur [Jacqueline] à son univers infernal. »[59] ;
-          la bonne information : « Elles [des amies] indiquaient, avec véhémence, des marabouts à la science sûre qui avaient fait leurs preuves, ramenant l’époux à son foyer ; éloignant la femme perverse. »[60] ;
-          le respect mutuel : « Et au grand étonnement de ma famille, désapprouvée unanimement par mes enfants influencés par Daba, je choisis de rester. […] Toi, mon amie, prévenue, tu ne fis rien pour me dissuader, respectueuse de mon nouveau choix de vie. »[61]
*      La passion amoureuse est définie comme une vive inclination qu’une personne éprouve pour une autre et à laquelle elle s’attache fortement. Elle gouverne le récit de Ramatoulaye. C’est un élément détonateur de la narration. Elle met en exergue des amours heureuses et des amours malheureuses. Au rang du premier type, on peut verser les relations entre Daba et Abdou et, entre la petite Aïssatou et l’étudiant Ibrahima Sall. Dans le deuxième type, nous verserons des amours qui même si elles ont été heureuses pendant plusieurs années, se sont mal terminées, ont laissé un goût amer ou d’inachevé aux amoureux. Sont concernés par cette catégorie les binômes Modou Fall-Ramatoulaye, Mawdo Bâ-Aïssatou et Modou Fall-Binetou. Cette deuxième catégorisation même si elle paraît arbitraire, nous semble pertinente quand on l’évalue à l’aune des sublimes dires du poète français Louis Aragon :
Rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force
Ni sa faiblesse, ni son cœur, […]
Et quand il veut serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n’y a pas d’amour heureux[62]
  
Les ressorts de la passion amoureuse dans S.L.L. sont la proximité (Mawdo Bâ et Aïssatou ; Modou Fall-Binetou), les fêtes scolaires (Modou Fall et Ramatoulaye), la célébration d’un anniversaire (Aïssatou et l’étudiant Ibrahima Sall). Ses manifestations sont le coup de foudre (Ramatoulaye), la cour assidue (Modou Fall, Ibrahima Sall, Mawdo Bâ et Daouda Dieng) et les sorties ou excursions (les banlieues marines et Sangalkam). Dans S.L.L., la conséquence immédiate de la passion amoureuse est le mariage ou le projet de mariage.
*      Le couple désigne un homme et une femme unis par une relation affective ou physique. On peut lui donner d’autres définitions mais c’est celle qui nous interpelle et qui intéresse surtout S.L.L. de Mariama Bâ. Du point de vue de la typologie, on peut distinguer des couples bien assortis (Modou Fall et Ramatoulaye ; Mawdo Bâ et Aïssatou ; Abdou et Daba ; Ibrahima Sall et Aïssatou) comme des couples mal assortis (Modou Fall-Binetou ; Mawdo Bâ et la petite Nabou ; Samb Diack et Jacqueline). Les caractéristiques des couples harmonieux sont l’amour réciproque, le respect mutuel et la complémentarité. Les signes distinctifs des couples inharmonieux sont l’amour unilatéral, la différence d’âge et l’union par procuration[63].
*      Le phénomène de la cour est en amont de la concordance des cœurs. Il désigne tout l’arsenal séducteur que met en branle le plus souvent l’homme pour obtenir les faveurs de sa belle. Le contraire n’est pas exclu mais on ne le note pratiquement pas dans S.L.L. Les partisans de la cour assidue ont noms Modou Fall, Mawdo Bâ et Ibrahima Sall. Il s’agit d’user de stratégies, de techniques spectaculaires pour épater l’autre et le charmer. Il est donc question de détruire les défenses de l’autre, de réduire à néant ses réticences. L’arme de destruction massive qu’utilise l’ingénieur de l’amour est l’argent. Pour obtenir la main de Binetou, Modou Fall met la main à la poche : une villa, des « Alfa Roméo »[64], une rente mensuelle, le voyage à la Mecque pour ses beaux-parents. La cour cible certes l’élue du cœur mais aussi elle n’oublie pas les membres de la future belle-famille : Mawdo Bâ rend visite régulièrement à son beau-père ; Ibrahima Sall s’incruste progressivement chez les « Falléen » (« Ibrahima Sall passe chaque jour et donne à chacun de nous ce qu’il peut. »). Participent aussi de la cour les divers cadeaux et présents que fait le prétendant à l’objet de son amour et à ses proches. Le portrait du coureur montre quelqu’un qui soigne sa mise vestimentaire (Daouda Dieng, Modou Fall et Ibrahima Sall), qui s’arme d’abnégation (« la puissante volonté de Modou, sa ténacité devant l’obstacle, son orgueil de vaincre »[65]), qui des fois, use de subterfuges (Modou Fall et « la couverture des réunions syndicales »[66]) et qui sait se faire petit (Ibrahima Sall).
*      Le mariage dans une définition assez commune est l’union d’un homme et d’une femme par l’autorité religieuse, coutumière ou civile. Sa typologie dans S.L.L. offre diverses variantes : mariage forcé (Modou Fall et Binetou), mariage d’amour (Modou Fall et Ramatoulaye ; Mawdo Bâ et Aïssatou ; Abdou et Daba), mariage controversé (Modou Fall et Ramatoulaye ; Mawdo Bâ et Aïssatou), mariage arrangé ou de raison (Mawdo Bâ et la petite Nabou).  L’on peut même approfondir la catégorisation en distinguant d’une part des noces d’argent (25 ans) ou noces de perle (30 ans) pour Modou Fall et Ramatoulaye ; des noces de bois (5 ans) pour Modou Fall et Binetou. Les vertus du mariage sont le retour aux sources (Mawdo Bâ), la consolidation de l’amour et la promotion de l’égalité (Mawdo Bâ et Aïssatou). 
*      La polygamie  si on décompose le mot, donne « poly » (plusieurs) et « gamie » (mariage). Le terme désigne donc simplement l’homme qui a contracté plusieurs unions. Dans S.L.L., on enregistre trois polygames aux ménages très problématiques. D’abord, il y a Modou Fall qui n’est polygame que de nom car il abandonne le domicile de sa première femme. Ensuite, il y a Mawdo Bâ qui se convainc de son état de polygame et que sa femme Aïssatou n’avalise pas. Enfin, on a Tamsir qui, d’après Ramatoulaye, parvient difficilemnt à s’occuper de ses trois épouses : « Et tes femmes, Tamsir ? Ton revenu ne couvre ni leurs besoins ni ceux de tes dizaines d’enfants. »[67] Les causes de la polygamie dans S.L.L. sont le démon de midi (Modou Fall), l’orgueil de la noblesse (Tante Nabou) et l’arrivisme (Dame Belle-mère). Ses conséquences sont une nombreuse progéniture (quinze enfants pour Modou Fall et des dizaines pour son frère Tamsir), des familles disloquées (celles de Modou Fall et de Mawdo Bâ) et l’appauvrissement (la famille de Tamsir)  
*      Le problème des castes est souvent présenté de manière restrictive et réductrice. En effet, on veut le limiter à la division de la société en nobles et en roturiers (les griots, les bijoutiers et autres). Or, quand on dit caste, cela renvoie à une classe fermée ou élevée de la société qui tient à sauvegarder ses intérêts ou qui a un esprit d’exclusion. Tout bien considéré, l’on peut schématiser en distinguant d’une part la classe des privilégiés (les nobles, les jeunes intellectuels, les syndicalistes et les politiques) et d’autre part la classe des marginaux (les roturiers, les artisans, les handicapés[68]). Les conséquences d’un tel état de fait sont :

-                      l’autarcie (« Ma maison est une banlieue de Diakhao. »[69]) ;
-                       l’arrivisme (« Mais tes jeunes frères [ceux d’Aïssatou] ? Leurs pas ont été dirigés vers l’école des Blancs »[70]) ;
-                      l’absence d’humanisme («  Ah ! pour certains, l’honneur et le chagrin d’une bijoutière sont moindres que l’honneur et le chagrin d’une Guélewar»[71]
*      La dépression nerveuse est une maladie mentale. Elle participe de ce que l’on appelle dans une terminologie moderne trouble de la personnalité. C’est une névrose et non pas une psychose car la conscience de l’individu n’est pas totalement abîmée. Dans S.L.L., le sujet dépressif par excellence est Jacqueline. Les causes de son état dépressif sont surtout liées à son trop-plein de souffrance engrangé dans son ménage. Boudée par sa belle-famille, surnommée « gnac »[72] par les Sénégalais et bafouée par son mari qui accumule les conquêtes amoureuses, elle ressent un profond sentiment de marginalisation. C’est ainsi qu’un beau jour elle devient une déprimée c’est-à-dire elle a le moral au plus bas. Elle est abattue et découragée. Elle n’a plus confiance en elle-même. Ce faisant, le portrait moral de la déprimée impacte sur son portrait physique. Elle tombe dans le délabrement corporel. Elle ne prend plus soin de sa personne. Elle se laisse gagner par le laisser-aller : « Ses beaux cheveux noirs délaissés, qu’aucun peigne n’avait démêlés depuis qu’elle courait de médecin en médecin, formaient sur sa tête des touffes hirsutes. »[73]
*      L’arrivisme est d’après Le Nouveau Littré, une « conduite traduisant une ambition sans limites et sans scrupules, et ayant pour objectif de réussir à tout prix. »[74] La figure de proue de l’arrivisme dans S.L.L. est sans aucun doute Dame Belle-mère. Comme l’écrit Ramatoulaye c’est « une mère en furie, qui hurle sa faim et sa soif de vivre »[75]. Sa fille Binetou et elle-même sont issues d’ « une famille de ndool »[76]. Elle voit en Modou Fall un bon parti. C’est la raison pour laquelle elle force son enfant à épouser ce dernier. Si on s’intéresse à son profil, on peut dire qu’elle est matérialiste, qu’elle a le goût de la parade (les cérémonies familiales) et qu’elle manque d’altruisme (« Pendant cinq ans, tu as privé une mère et ses douze enfants de leur soutien. »[77] lui dit Daba.) La cause principale de l’arrivisme est donc la pauvreté et le dénuement. Ses conséquences sont l’absence d’humanisme, la mort de la morale et la fracture sociale.
*      Le livre relève à la fois du sacré et du profane. Il y a d’une part le Coran et d’autre part les autres livres. Tous les deux types recueillent les éloges de la narratrice de S.L.L. Le livre sacré des Musulmans appartient au Verbe divin alors que le livre profane est produit par un humain. Pour la parole de Dieu, on peut citer entre autres fonctions celles de rappel et d’éducation : « […] recommandations célestes, impressionnantes promesses de châtiment ou de délices, exhortations au bien, mise en garde contre le mal, exaltation de l’humilité, de la foi. »[78] Pour les livres avec la signature d’un auteur, l’on relève des fonctions comme celles de :
-          promotion sociale : « Ils [les livres] te [Aïssatou] permirent de te hisser. Ce que la société te refusait, ils te l’accordèrent : des examens passés avec succès te menèrent toi aussi, en France. L’Ecole d’Interprétariat, d’où tu sortis, permit ta nomination à l’Ambassade du Sénégal aux Etats-Unis. Tu gagnes largement ta vie. »[79] ;
-          intermédiaire : « Instrument unique de relation et de culture, moyen inégalé de donner et de recevoir. Les livres soudent des générations au même labeur continu qui fait progresser. »[80]
*      Les professions citées dans S.L.L. sont nombreuses. La narratrice semble faire la part belle à certains corps de métiers. Son discours à leur égard frise ou tombe dans l’apologie. Ces professions dont Ramatoulaye plaide la cause sont les suivantes :
-          le bijoutier est présent à travers le père d’Aïssatou. Son portrait apologétique est le fait de Mawdo Bâ. Le gendre dresse de son beau-père un portrait élogieux. C’est quelqu’un qui sait manier à perfection le métal aurifère. C’est un homme exceptionnel en ce sens qu’il commerce avec les Djins[81] ;
-          l’enseignant dont l’avocate n’est personne d’autre que la narratrice-héroïne. En effet, Ramatoulaye met en relief le métier d’enseignant. Pour elle, ce dernier est un travailleur de l’ombre (« exploits quotidiens jamais chantés, jamais décorés »[82]). Il est marqué par sa modestie (« humbles institutrices d’humbles écoles de quartiers »[83]), son endurance (« Armée toujours en marche, toujours vigilante »[84]), son honnêteté (« Comme nous servions avec foi notre métier et comme nous nous dépensions pour l’honorer. »[85]), son caractère pointilleux (« Le nôtre, comme celui du médecin, n’admet pas l’erreur. »[86]). Il se définit comme un formateur et comme un missionnaire (« Debout, dans nos classes surchargées, […] pour la régression de l’ignorance. »[87]) ;
-          la ménagère est hissée sur un piédestal par Ramatoulaye. Elle lui rend hommage à travers deux pages (123-124). D’après elle, tenir une maison interpelle la fibre artistique. Cette adresse est requise pour la bonne tenue de la demeure. Cela nécessite beaucoup de travail mais aussi de l’imagination. Ce n’est pas un métier dans la mesure où on ne s’attend pas à un salaire mais la satisfaction de la ménagère réside dans le travail bien fait.

*      La politique est abordée dans ce roman grâce à un de ses dignes représentants, l’honorable député Daouda Dieng. Elle est à la fois nationale et internationale. La politique internationale focalise sur le destin de la nouvelle Afrique partagée entre anticolonialisme et néocolonialisme (« le parti dominant »[88] ou le parti unique). Au plan national, la politique est surtout accaparée par les hommes qui font difficilement de la place aux femmes : « - Quatre femmes, Daouda, quatre sur une centaine de députés. Quelle dérisoire proportion ! Même  pas une représentation régionale ! » s’insurge Ramatoulaye. Cette situation est d’autant plus déplorable que les femmes sont instrumentalisées. En termes de mobilisation, elles sont les meilleures. Pourtant, elles ne récoltent presque rien en retour : « Presque vingt ans d’indépendance ! A quand la première femme ministre […] ? »[89]   
*      L’éducation ne pouvait ne pas être exploitée dans S.L.L. Faut-il le rappeler, notre narratrice-héroïne est une institutrice. Elle est appelée à former et non pas à déformer des apprenants. Une de ses zones d’intervention est « l’école des Blancs »[90]. Celle-ci n’est pas inclusive en ce sens qu’elle laisse en rade beaucoup d’appelés faute de moyens ou bien faute d’être trop sélective. A côté de cette « école étrangère »[91], cohabite une école traditionnelle qui véhicule une « éducation orale »[92]. Grâce aux contes, on inculque à l’enfant les valeurs positives de ses ancêtres, du savoir, du savoir-faire, du savoir-être, du savoir-parler. Face à la modernité galopante, l’éducatrice peut être confrontée à des écueils ou à la déception : des filles qui fument (pages 148-149) ou bien des grossesses non désirées (pages 158-164). Pour y remédier, certaines comme Ramatoulaye prennent le taureau par les cornes en dissertant autour de l’éducation sexuelle. C’est ainsi que la mère de Daba fait comprendre à son trio que la découverte progressive de l’amour ne doit pas mener à la débauche.  
*      Le féminisme est une doctrine qui cherche l’indépendance, la promotion et l’amélioration des conditions de vie de la femme. Tout individu qui illustre ne serait-ce qu’un axe de ce tryptique est appelé féministe. Dans ce sens, nous avons des :
-          hommes féministes comme Abdou (« Daba, les travaux ménagers ne l’accablent pas. Son mari cuit le riz aussi bien qu’elle […] »[93]) ou Daouda Dieng qui affirme : « Il faut inciter la femme à s’intéresser davantage au sort de son pays. »[94] ;
-          femmes féministes comme Aïssatou qui prend l’initiative du divorce d’avec son époux, Ramatoulaye (« […] je ne suis pas un objet que l’on se passe de main en main […] »[95] balance-t-elle à Tamsir) et Daba qui s’interroge ainsi à propos du mariage : « […] si l’un des conjoints ne trouve plus son compte dans cette union, pourquoi devrait-il rester ? »[96]
Les actes féministes dans S.L.L. sont le fait des trois femmes citées ci-dessus. Ces dernières montrent dans leurs manières de penser et d’agir une volonté de se libérer des pesanteurs sociales. Elles sont décomplexées et n’ont pas peur d’exprimer leurs idées et leur personnalité. Leur conviction féministe se traduit par :
-          la prise de parole publique avec Ramatoulaye : « Je regarde Tamsir droit dans les yeux. Je regarde Mawd6. Je regarde l’Imam. Je serre mon châle noir. J’égrène mon chapelet. Cette fois, je parlerai. »[97] ;
-          l’activisme public avec Daba qui choisit de militer dans une organisation de la société civile plutôt que d’adhérer dans un parti politique. Dans ce sens, elle remarque : « […] dans un parti politique, il est rare que la femme est la percée facile. […] Je préfère mon association où il n’y a ni rivalité, ni clivage, ni calomnie, ni bousculade […] »[98] ;
-          l’affranchissement des tabous[99] : Ramatoulaye se définit comme une femme moderne. C’est pourquoi elle se fait violence en abordant les questions sexuelles avec ses filles. Tout le monde sait que beaucoup de parents éprouvent de la gêne à en parler avec leurs enfants. Parce qu’elle est une intellectuelle et une féministe, elle s’essaie à l’éducation sexuelle de ses filles. 
Par ailleurs, l’héroïne de S.L.L. affirme de vive voix que « l’égoïsme mâle » est un frein au féminisme. Pour sa fille Daba, l’essor du féminisme est entravé par la femme elle-même. C’est ce que traduit si bien son interrogation : « Comment une femme peut-elle saper le bonheur d’une autre femme ? »[100]

















VI-         LE STYLE DE S.L.L.
Le style d’un écrivain, c’est sa manière particulière d’écrire, ce qui constitue la marque spécifique et originale de son écriture. C’est ce qui le distingue des autres écrivains, ce qui à première vue, attire le regard et accroche le lecteur averti voire le liseur ou bien le professionnel de littérature. Il coule de source qu’à la déclinaison du titre du premier roman de Mariama Bâ, l’on se rend compte qu’on est en pleine relation épistolaire. Il demeure aussi évident que cette relation s’inscrit dans une narration de grande envergure.
Premièrement, la si longue lettre a ses caractéristiques propres qui sont celles que l’on retrouve dans pratiquement toutes les lettres. Ce sont surtout :
-          la mention de la destinataire au début du roman : Aïssatou ;
-          la mention de l’émettrice à la fin du roman : Ramatoulaye ;
-          une entrée en matière : « J’ai reçu ton mot. En guise de réponse, j’ouvre ce cahier, point d’appui dans mon désarroi […] »[101] ;
-          une clausule[102] : « Le mot bonheur recouvre bien quelque chose, n’est-ce pas ? J’irai à sa recherche. Tant pis pour moi, si j’ai encore à t’écrire une si longue lettre… »[103]
Si l’on s’intéresse à la typologie des lettres dans S.L.L., on en relève deux types :
-          d’une part, il y a l’unique et longue lettre écrite par Ramatoulaye et consignée dans un cahier avant que d’être un roman ;
-          d’autre part, dans les méandres dudit cahier ou roman, on remarque de courtes lettres comme celles d’Aïssatou (une adressée à son époux Mawdo Bâ et d’autres à Ramatoulaye) et  celle de Ramatoulaye à Daouda Dieng.
En ce qui concerne les fonctions de l’écriture épistolaire, on peut citer successivement :
-          la fonction thérapeutique est celle qui guérit et soigne l’épistolière à savoir Ramatoulaye. Celle-ci est confrontée au désespoir et à la tristesse d’avoir perdu son mari Modou Fall. Elle oublie à travers l’écriture de la longue lettre son malheur. La relation épistolaire lui fait ignorer pour un temps son état de veuve. Elle lui offre une plage de paix dans la prison du veuvage : « […] notre longue pratique m’a enseigné que la confidence [écrite] noie la douleur. »[104] ;
-          la fonction testimoniale[105] est celle qui fait de l’instance narrative un témoin oculaire des faits racontés. La mère de Daba est une spectatrice avertie de la vie de son propre couple, de celle d’autres couples qu’on trouve à foison dans le roman et de celle de la nation sénégalaise passant d’une période coloniale à l’époque des indépendances. Deux passages explicites du roman confirment cet état de fait. D’abord, nous avons à la page cinq du roman Ramatoulaye qui écrit :
« Aïssatou, mon amie, je t’ennuie, peut-être, à te relater ce que tu sais déjà.
Je n’ai jamais autant observé, parce que n’ayant jamais été autant concernée. »
Ensuite, nous notons à la page cinquante ces lignes amplement illustratives  de cette deuxième fonction :
« Privilège de notre génération, charnière entre deux périodes historiques, l’une de domination, l’autre d’indépendance. Nous étions restés jeunes et efficaces, car nous assistions à l’éclosion d’une République, à la naissance d’un hymne et à l’implantation d’un drapeau. » ;
-          la fonction lyrique[106] ne peut ne pas être présente quand on parle de malheur, de souffrance, mais aussi de joie et de bonheur. Une telle fonction cherche à mettre à nu les états d’âme des différents protagonistes. Il s’agit de découvrir dans toute leur amplitude la diversité des sentiments et des sensations qui anime les personnages. C’est ce que l’on remarque avec Ramatoulaye à la mort de Modou Fall :
« Où me coucher ? Le bel âge a ses exigences de dignité. Je m’accroche à mon chapelet. Je l’égrène avec ardeur en demeurant debout sur des jambes molles. Mes reins battent la cadence de l’enfantement. »[107] ;  
-          la fonction informative renvoie à l’information donnée. Il s’agit pour l’émettrice de mettre au courant d’une décision, d’un fait ou d’une situation le ou la destinataire de la lettre. C’est ce que fait Ramatoulaye avec Aïssatou tout le long du roman, Aïssatou avec Mawdo Bâ à travers une lettre de rupture (pages 62-63) et Ramatoulaye avec Daouda Dieng à qui est notifié le refus de convoler en secondes noces (pages 132-133) ;
-          la fonction satirique est celle qui pousse la narratrice à critiquer les défauts et les tares qui existent dans la société. Elle s’attaque aussi aux mauvais comportements des êtres humains et à leurs imperfections. Dans ce sens, notre narratrice n’use pas de la langue de bois. C’est dans cette optique par exemple qu’elle émet des jugements sévères contre certaines pratiques :
« Le soir, vient la phase la plus déroutante de cette cérémonie du troisième jour. […] Chaque groupe exhibe sa participation aux frais. Jadis, cette aide se donnait en nature […] Aujourd’hui, elle s’exprime ostensiblement en billets de banque et personne ne veut donner moins que l’autre. […] Et je pense encore : combien de morts auraient pu survivre si, avant d’organiser leurs funérailles en festin, le parent ou l’ami avait acheté l’ordonnance salvatrice ou payé l’hospitalisation. »[108]  
-          la fonction engagée est celle qui pousse l’épistolière à prendre parti dans les combats de l’heure, de son époque et de sa société. Il est question pour notre instance narrative de prendre fait et cause pour la femme, de chercher à la revaloriser, à l’émanciper et à la mettre en relief. C’est ce qui explique le féminisme débordant de l’œuvre perceptible à travers cette interrogation de Ramatoulaye : « Quand la société éduquée arrivera-t-elle à se déterminer non en fonction du sexe, mais des critères de valeur ? »[109]
Après cette tentative d’analyse de la veine épistolaire, il serait bien à-propos de se pencher sur la dimension narrative de S.L.L. Ce roman est un texte narratif qui entremêle  discours et récit.  Les marques du discours sont visibles à travers :
-          l’omniprésence de la première personne du singulier (« Je ») : c’est le locuteur qui imprime sa marque à la narration. Il en est l’alpha et l’oméga ; il en détient les tenants et les aboutissants. C’est pourquoi l’expéditrice de la « longue lettre » mentionne :
« Les murs qui délimitent mon horizon pendant quatre mois et dix jours. Les dix jours ne me gênent guère. J’ai en moi assez de souvenirs à ruminer. Et ce sont eux que je crains car ils ont le goût de l’amertume.
Puisse leur invocation ne rien souiller de l’état de pureté absolue où je dois évoluer. »[110]  
-          les mentions répétitives de la deuxième personne du singulier qui renvoie à l’allocutaire de la lettre. C’est l’élément récepteur de la longue lettre. L’expéditrice l’interpelle à tout-va au fil de la narration traduisant ainsi leur amitié, leur intimité et leur familiarité. C’est ce que l’on peut deviner à travers les nombreux tutoiements (« Aïssatou, mon amie, je t’ennuie, peut-être, à te relater ce que tu sais déjà. »[111] ou bien des passages explicitant le face-à-face épistolaire :
« Je sais que je te secoue, que je remue un couteau dans une plaie à peine cicatrisée ; mais que veux-tu, je ne peux m’empêcher de me resouvenir dans cette solitude et cette réclusion forcées. »[112]
-          un système de conjugaison axé surtout sur le présent simple et le passé composé : « Amie, amie, amie ! Je t’appelle trois fois. Hier, tu as divorcé. Aujourd’hui, je suis veuve. »[113]
La valeur du présent de l’indicatif est l’actualité des faits racontés et celle du passé composé traduit un passé récent.
Quant aux marques du récit, c’est principalement :  
-          le système de la non-personne c’est-à-dire le recours à la troisième personne (du singulier ou du pluriel) :
« Le troisième jour, mêmes allées et venues d’amis, de parents, de pauvres, d’inconnus. Le nom du défunt, populaire, a mobilisé une foule bourdonnante, accueillie dans ma maison dépouillée de tout ce qui peut être détériorée. Des nattes de tous genres s’étalent partout où elles trouvent place. Des chaises en fer, louées pour la circonstance, bleuissent au soleil. »[114]
-          les temps verbaux que sont le passé simple et l’imparfait de l’indicatif : l’un est à valeur non-durative alors que l’autre est à valeur durative. Le premier dénote la brièveté des actions dans le passé alors que l’autre souligne la durée des actions passées. Ce deuxième temps intervient dans les portraits et descriptions de paysage :
« Mais surtout, tu [Modou Fall] savais être tendre. Tu savais deviner toute pensée, tout désir… Tu savais beaucoup de choses indéfinissables qui t’auréolaient et scellèrent nos relations. »[115]
Quand on parle de récit, on comprend souvent histoire. Le roman S.L.L. est une compilation d’histoires. L’on nous relate les récits de vie de Ramatoulaye, de son amie Aïssatou, de Binetou, de la petite Aïssatou…
















VII-     LES BEAUX PASSAGES DU ROMAN
N’oublions pas que l’auteur de ce roman est l’une des plus belles plumes de la littérature africaine. Déjà élève elle excellait dans ses productions écrites avec lesquelles elle récoltait de très bonnes notes. Ce n’est donc pas une surprise pour ses lecteurs et pour nous que son œuvre regorge de passages profonds et sublimes qui nous rappellent  les maîtres de la prose française. Dans un choix arbitraire, nous en avons ciblé quelques-uns (sept exactement) que nous proposons comme textes à exploiter sous le prisme du texte suivi de questions.

*      Texte 1
Tu te souviens de ce train matinal qui nous emmena pour la première fois à Ponty-Ville, cité des normaliens dans Sébikotane. Ponty-Ville, c’est la campagne encore verte de la douche des dernières pluies, une Fête de la jeunesse en pleine nature, des mélodies des banjos dans des dortoirs transformés en pistes de danse, des causeries le long des allées de géraniums ou sous les manguiers touffus.
Modou Fall, à l’instant où tu t’inclinas devant moi pour m’inviter à danser, je sus que tu étais celui que j’attendais. Grand et athlétiquement bâti, certes. Teint ambré dû à ta lointaine appartenance mauresque, certes aussi. Virilité et finesse des traits harmonieusement conjuguées, certes encore. Mais surtout, tu savais être tendre. Tu savais deviner toute pensée, tout désir… Tu savais beaucoup de choses indéfinissables qui t’auréolaient et scellèrent nos relations.
PAGE 29.
Questions
1-      Dans quelle mesure le titre « Découvertes » se justifie-t-il pour ce texte ?
2-      Subdivisez le texte et trouvez un titre pour chaque subdivision.
3-      Que signifie le mot « auréolaient » ? Trouvez sa racine et définissez-la.
4-      Quels sont les antonymes des mots en gras ?
5-      Trouvez les synonymes des mots soulignés en pointillés.
6-      Donnez la nature et la fonction des termes soulignés.
7-      Conjuguez l’avant-dernière phrase du texte aux autres temps simples de l’indicatif.
8-      Faites l’analyse logique de la dernière phrase du texte.
9-      Reprenez le portrait moral de Modou Fall en veillant surtout à ne pas utiliser les mots du texte. (5 phrases maximum)
10-  Décrivez le coin de votre maison, de votre quartier, de votre ville ou de votre pays qui vous plaît le plus. (5 phrases maximum)








*      Texte 2
Notre école, revoyons-la ensemble, verte, rose, bleue, jaune, véritable arc-en-ciel : verte, bleue, et jaune, couleurs des fleurs qui envahissaient la cour ; rose : couleur des dortoirs aux lits impeccablement dressés. Notre école, entendons vibrer ses murs de notre fougue à l’étude. Revivons la griserie de son atmosphère, les nuits, alors que retentissait pleine d’espérance, la chanson du soir, notre prière commune. Le recrutement qui se faisait par voie de concours à l’échelle de l’ancienne Afrique Occidentale Française, démantelée aujourd’hui en Républiques autonomes, permettait un brassage fructueux d’intelligences, de caractères, des mœurs et coutumes différents. Rien n’y distinguait, si ce n’étaient des traits spécifiquement raciaux, la fon du Dahomey et la malinké de Guinée. Des amitiés s’y nouaient, qui ont résisté au temps et à l’éloignement. Nous étions de véritables sœurs destinées à la même mission émancipatrice.
Nous sortir de l’enlisement des traditions, superstitions et mœurs ; nous faire apprécier de multiples civilisations sans reniement de la nôtre ; élever notre vision du monde, cultiver notre personnalité, renforcer nos qualités, mater nos défauts ; faire fructifier en nous les valeurs de la morale universelle ; voilà la tâche que s’était assignée l’admirable directrice. Le mot « aimer » avait une résonance particulière en elle. Elle nous aima sans paternalisme, avec nos tresses debout ou pliées, avec nos camisoles, nos pagnes. Elle sut découvrir et apprécier nos qualités.
PAGES 33-34.
Questions
1-      Le titre « Hymne à notre école » convient-il à ce texte ? Si oui, relevez les termes qui montrent que la narratrice est entrain de chanter son école. Si non, proposez un titre plus pertinent et justifiez-le.
2-      Dans quelle mesure cette école illustre-t-elle le panafricanisme ?
3-      Trouvez deux mots de la même famille que « émancipatrice » et utilisez-les chacun dans une phrase.
4-      Décomposez le terme écrit en gras dans le texte. Utilisez le premier et le dernier mot de ce terme chacun dans deux phrases avec des sens différents.
5-      Trouvez les synonymes des mots soulignés en pointillés.
6-      Donnez la nature et la fonction des mots et expressions soulignés.
7-      Dans les trois premières phrases du texte, nous avons trois verbes conjugués utilisés avec le même mode : déclinez le nom du mode et dites sa valeur.
8-      « Elle sut découvrir et apprécier nos qualités » : donnez l’infinitif du verbe conjugué dans cette phrase et reprenez la même phrase en utilisant les autres temps simples de l’indicatif.
9-      Faites l’analyse logique des cinquième et sixième phrases du texte.
10-  Décrivez la beauté ou la dégradation de votre établissement. (5 phrases maximum)









*      Texte 3
Le soir, les pêcheurs revenaient de leur randonnée laborieuse. Ils avaient échappé, une fois de plus, au piège mouvant de la mer. De simples lignes noires à l’horizon, les barques devenaient plus distinctes, les unes des autres, au fur et à mesure de leur approche. Elles dansaient dans les creux des vagues, puis se laissaient paresseusement drainer. Des pêcheurs descendaient gaiement voile et matériel. Tandis que d’autres rassemblaient leur moisson frétillante, certains essoraient leurs habits trempés en les tordant et épongeaient leurs fronts.
Sous les yeux émerveillés des bambins, les poissons vivants sautillaient, tandis que s’incurvaient les longs serpents de mer. Rien n’est plus beau qu’un poisson à la sortie de l’eau, avec son œil clair et frais, ses écailles dorées ou argentées et ses beaux reflets bleutés !
Des mains triaient, groupaient, divisaient. Pour la maison, nous faisions d’intéressantes provisions.
L’air marin nous incitait à la bonne humeur. Le plaisir que nous goûtions et qui fêtait tous nos sens, enivrait sainement, aussi bien le riche que le pauvre. Notre communion, avec la nature profonde, insondable et illimitée, désintoxiquait nôtre âme. Le découragement et la tristesse s’en allaient, soudainement remplacés par des sentiments de plénitude et d’épanouissement.
Revigorés, nous reprenions le chemin de nos foyers. Comme nous avions le secret des bonheurs simples, cures bienfaisantes dans la tourmente des jours ! 
PAGES 45-46.
Questions
1-      Trouvez un titre à ce texte et justifiez-le.
2-      Subdivisez le texte et donnez un titre à chaque subdivision.
3-      Cherchez deux champs lexicaux présents dans ce texte et illustrez-les.
4-      Pour chaque mot écrit en gras, trouvez deux mots de la même famille et utilisez vos trouvailles dans des phrases de votre construction.
5-       « Elles dansaient dans les creux des vagues » : expliquez cette proposition.
6-      Expliquez les mots et expressions soulignés avec des pointillés.
7-      Donnez la nature et la fonction des mots et expressions soulignés.
8-      « Le plaisir que nous goûtions et qui fêtait tous nos sens, enivrait sainement, aussi bien le riche que le pauvre. » : analysez cette phrase.
9-      « Pour la maison, nous faisions d’intéressantes provisions. » Reconstruisez cette phrase en mettant le verbe aux autres temps composés de l’indicatif.
10-  Produisez un paragraphe argumentatif pour défendre l’importance de la mer dans la vie des populations.








*      Texte 4
Chaque métier, intellectuel ou manuel, mérite considération, qu’il requière un pénible effort physique ou de la dextérité, des connaissances étendues ou une patience de fourmi. Le nôtre, comme celui du médecin, n’admet pas l’erreur. On ne badine pas avec la vie, et la vie, c’est à la fois le corps et l’esprit. Déformer une âme est aussi sacrilège qu’un assassinat. Les enseignants ̶ ceux du cours maternel autant que ceux des universités forment une armée noble aux exploits quotidiens, jamais chantés, jamais décorés.  Armée toujours en marche, toujours vigilante. Armée sans tambour, sans uniforme rutilant. Cette armée-là, déjouant pièges et embûches, plante partout le drapeau du savoir et de la vertu.
Comme nous aimions ce sacerdoce, humbles institutrices d’humbles écoles de quartier. Comme nous servions avec foi notre métier et comme nous nous dépensions pour l’honorer. Nous avions appris ̶ comme tout apprenti ̶ à bien le pratiquer dans cette école annexe, situés à quelques mètres de la nôtre, où des institutrices chevronnées enseignaient aux novices que nous étions à concrétiser, dans les leçons données, nos connaissances de psychologie et pédagogie… Nous stimulions le déferlement de vagues enfantines qui emportaient dans leurs plis un peu de notre être.
PAGES 47-48.
Questions
1-      Le titre « Apologie de l’enseignant » vous paraît-il approprié pour ce texte ? Si oui, justifiez votre réponse. Si non, proposez un autre plus pertinent et défendez-le.
2-      Déclinez les deux corps de métier auxquels sont comparés les enseignants.
3-      Citez une ou deux phrase(s) du texte qui montre(nt) exactement que la narratrice se positionne comme l’avocate des enseignants ?
4-      Dans le processus de l’éducation, quels sont les deux mots du texte qui renvoient exactement, l’un à l’instruction et l’autre au savoir-être.
5-      Illustrez le champ lexical de l’école avec au moins huit mots ou expressions.
6-      Trouvez le nom de la même famille que l’adjectif qualificatif « humbles » (« humbles institutrices ») et utilisez-le dans une phrase.
7-      Trouvez deux homonymes du mot « foi » (« Comme nous servions avec foi notre métier ») et utilisez-les dans des phrases de votre composition.
8-      Donnez la nature et la fonction des termes soulignés.
9-      Faites l’analyse logique de l’avant-dernière phrase du texte.
10-  Expliquez dans un paragraphe la phrase suivante : « Déformer une âme est aussi sacrilège qu’un assassinat ». 










*      Texte 5
Mawdo,
Les princes dominent leurs sentiments, pour honorer leurs devoirs. « Les autres » courbent leur nuque et acceptent en silence un sort qui les brime.
Voilà, schématiquement, le règlement intérieur de notre société avec ses clivages insensés. Je ne m’y soumettrai point. Au bonheur qui fut nôtre, je ne peux substituer celui que tu me proposes aujourd’hui. Tu veux dissocier l’Amour tout court et l’amour physique. Je te rétorque que la communion charnelle ne peut être sans l’acceptation du cœur, si minime soit-elle.
Si tu peux procréer sans aimer, rien que pour assouvir l’orgueil d’une mère déclinante, je te trouve vil. Dès lors, tu dégringoles de l’échelon supérieur, de la respectabilité où je t’ai toujours hissé. Ton raisonnement qui scinde est inadmissible : d’un côté, moi, « ta vie, ton amour, ton choix », de l’autre « la petite Nabou, à supporter par devoir. »
Mawdo, l’homme est un : grandeur et animalité confondues. Aucun geste de sa part n’est de pur idéal. Aucun geste de sa part n’est de pure bestialité.
Je me dépouille de ton amour, de ton nom. Vêtue du seul habit valable de la dignité, je poursuis ma route.
Adieu
Aïssatou.
PAGES 62-63.
Questions
1-      Donnez un titre à ce texte et justifiez-le.
2-      Quels sont les trois arguments qu’utilise Mawdo pour justifier son mariage par devoir ?
3-      Sous quel angle le problème des castes est-il présenté ?
4-      Quelle est la racine du mot « dépouille » (« Je me dépouille de ton amour, de ton nom. ») ? Trouvez son homonyme et construisez une phrase avec cet homonyme.
5-      Que signifie le mot « idéal » ?
6-      Donnez les antonymes des mots soulignés avec des pointillés.
7-      Trouvez les synonymes des mots soulignés dans le texte.
8-      Donnez la nature et la fonction des termes écrits en gras.
9-      « Vêtue du seul habit valable de la dignité, je poursuis ma route. » : conjuguez cette phrase aux autres temps simples de l’indicatif.
10-  Analyse logique des deux phrases suivantes :
-          « Les autres » courbent leur nuque et acceptent en silence un sort qui les brime. » ;
-          « Au bonheur qui fut nôtre, je ne peux substituer celui que tu me proposes aujourd’hui. »









*      Texte 6
« Daouda,
Tu poursuis une femme qui est restée la même, Daouda, malgré les ravages intenses de la souffrance.
Toi qui m’as aimée, toi qui m’aimes encore  ̶  je n’en doute pas  ̶  essaie de me comprendre. Je n’ai pas l’élasticité de conscience nécessaire pour accepter d’être ton épouse alors que seule l’estime, justifiée par tes nombreuses qualités, me tend vers toi.
Je ne peux t’offrir rien d’autre, alors que tu mérites tout. L’estime ne peut justifier une vie conjugale dont je connais tous les pièges pour avoir fait ma propre expérience.
Et puis, l’existence de ta femme et de tes enfants complique encore la situation. Abandonnée hier, par le fait d’une femme, je ne peux allègrement m’introduire entre toi et ta famille.
Tu crois simple le problème de la polygamie. Ceux qui s’y meuvent connaissent des contraintes, des mensonges, des injustices qui alourdissent leur conscience pour la joie éphémère d’un changement. Je suis sûre que l’amour est ton mobile, un amour qui exista bien avant ton mariage et que le destin n’a pas comblé.
C’est avec une tristesse infinie et des larmes aux yeux que je t’offre mon amitié. Accepte-la, cher Daouda. C’est avec plaisir que je t’accueille dans ma maison.
A bientôt, n’est-ce pas ?
Ramatoulaye. »
PAGES 132-133.
Questions
1-      Quels sont les signes distinctifs de l’écriture épistolaire dans ce texte ?
2-      Quels sont les indices textuels qui prouvent la familiarité entre Ramatoulaye et Daouda.
3-      Relevez les griefs de Ramatoulaye contre la polygamie ?
4-      Décomposez le mot « polygamie ». Avec chaque composant, proposez deux nouveaux mots.
5-      Trouvez les synonymes des mots soulignés dans le texte.
6-      Donnez les antonymes des mots soulignés avec des pointillés.
7-      Nature et fonction des termes écrits en gras.
8-      « Ceux qui s’y meuvent » : donnez l’infinitif et le temps de ce verbe. Conjuguez  cette proposition avec les autres temps simples de l’indicatif.
9-      Faites l’analyse logique des trois phrases suivantes :
-          « Toi qui m’as aimée, toi qui m’aimes encore – je n’en doute pas -, essaie de me comprendre. » ;
-          « Ceux qui s’y meuvent connaissent des contraintes, des mensonges, des injustices qui alourdissent leur conscience pour la joie éphémère d’un changement. »














*      Texte 7
L’autre nuit, j’avais surpris le trio (comme on les appelle familièrement) Arame, Yacine et Dieynaba, en train de fumer dans leur chambre. Tout, dans l’attitude, dénonçait l’habitude : la façon de coincer la cigarette entre les doigts, de l’élever gracieusement à la hauteur des lèvres, de la humer en connaisseuses. Les narines frémissaient et laissaient échapper la fumée. Et ces demoiselles aspiraient, expiraient tout en récitant les leçons, tout en rédigeant les devoirs. Elles savouraient leur plaisir goulûment, derrière la porte close, car j’essaie de respecter, le plus possible, leur intimité.
Dieynaba, Arame et Yacine me ressemblent, dit-on. Une amitié serviable les lie, soutenue par de multiples affinités ; elles forment un bloc, avec les mêmes réactions défensives ou méfiantes, face à mes autres enfants ; elles usent ensemble robes, pantalons, corsages, ayant presque la même taille. Je n’ai jamais eu à intervenir dans leurs conflits. Le trio a la réputation d’être studieux.
Mais de là à s’octroyer la licence de fumer ! Ma colère les foudroya. J’étais offusquée par la surprise. Une bouche de femme exhalant l’odeur âcre du tabac, au lieu d’embaumer ! Des dents de femmes noircies de nicotine, au lieu d’éclater de blancheur ! Pourtant, leurs dents étaient blanches. Comment s’y prenaient-elles pour réaliser cette performance ?
PAGES 148-149.
Questions
1-      Donnez un titre à ce texte et justifiez-le.
2-      Pour chaque paragraphe de ce texte, trouvez le titre qui sied.
3-      Quel est le principal champ lexical de ce texte ? Illustrez-le avec au moins sept mots ou expressions.
4-      Quelle est la racine du mot « foudroya » (« Ma colère les foudroya ») ? Utilisez-la dans trois phrases avec des sens différents.
5-      A quel sens est utilisé le mot « licence » (« la licence de fumer ») ? Construisez deux phrases dans lesquelles il aura des sens différents.
6-      Trouvez deux mots de la même famille que « rédigeant » (« tout en rédigeant les devoirs »).
7-      Donnez la signification des mots soulignés dans ce texte.
8-      Nature et fonction des mots écrits en gras dans le texte.
9-      Faites l’analyse logique de la première phrase du deuxième paragraphe.
10-  Produisez un paragraphe argumentatif de cinq phrases maximum dans lequel vous dénoncerez la nocivité du tabac.









VIII- QUELQUES BELLES CITATIONS ET QUELQUES SUJETS DE DISSERTATION
Tout grand auteur  condense en une, deux ou plusieurs phrases ses profondes réflexions ou méditations. La mère de Mame Coumba Ndiaye n’échappe pas à cette règle. La lecture de S.L.L. nous en offre de jolis morceaux ou bien des morceaux d’anthologie. Nous en avons relevé quelques-uns et pour certains, nous avons élaboré des sujets de dissertation dont le but est d’affûter la réflexion critique et la capacité argumentative chez les élèves de Troisième.
*      DES CITATIONS

v  La confidence noie la douleur.[116]
v  On ne prend pas de rendez-vous avec le destin. Le destin empoigne qui il veut, quand il veut.[117]
v  La mort est aussi belle que le fut la vie.[118]
v  Chaque vie recèle une parcelle d’héroïsme, un héroïsme obscur fait d’abdications, de renoncements et d’acquiescements, sous le fouet impitoyable de la fatalité.[119]
v  Une mère sent d’instinct où se trouve le bonheur de son enfant.[120]
v  L’école transforme nos filles en diablesses, qui détournent les hommes du droit chemin.[121]
v  Une femme qui travaille n’en est pas moins responsable de son foyer.[122]
v  Chaque métier, intellectuel ou manuel, mérite considération, qu’il requière un  pénible effort physique ou de la dextérité, des connaissances étendues ou une patience de fourmi.[123]
v  Déformer une âme est aussi sacrilège qu’un assassinat.[124]
v  Obtenir le « possible » est déjà une victoire.[125]
v  La qualité première d’une femme est la docilité.[126]
v  En vérité, l’instruction d’une femme n’est pas à pousser.[127]
v  La honte tue plus vite que la maladie.[128]
v  On ne brûle pas un arbre qui porte des fruits.[129]
v  Quand Allah tout puissant met côte à côte deux êtres, personne n’y peut rien.[130]
v  Une femme est comme un ballon ; qui lance ce ballon ne peut prévoir ses rebondissements.[131]
v  Alors que la femme puise dans le cours des ans la force de s’attacher malgré le vieillissement de son compagnon, l’homme, lui, rétrécit de plus en plus son champ de tendresse.[132]
v  Pour vaincre la détresse quand elle vous assiège il faut de la volonté.[133]
v  L’amitié a des grandeurs inconnues de l’amour. Elle se fortifie dans les difficultés, alors que les contraintes massacrent l’amour. Elle résiste au temps qui lasse et désunit les couples. Elle a des élévations inconnues de l’amour.[134]
v  La vie n’est pas lisse.[135]
v  Nul mariage n’est lisse.[136]
v  La réussite de chaque homme est assise sur un support féminin.[137]
v  Se marier signifie pour moi […] un acte de foi et d’amour, un don total de soi à l’être que l’on a choisi et qui vous a choisi.[138]
v  Une femme doit épouser l’homme qui l’aime mais point celui qu’elle aime ; c’est le secret d’un bonheur durable.[139]
v  La femme ne doit plus être l’accessoire qui orne, l’objet que l’on déplace, la compagne qu’on flatte ou calme avec des promesses.[140]
v  La saveur de la vie, c’est l’amour. Le sel de la vie, c’est l’amour encore.[141]
v  La vie est un éternel compromis.[142]
v  Notre société actuelle est ébranlée dans ses assises les plus profondes, tiraillée entre l’attrait des vices importés, et la résistance farouche des vertus anciennes.[143]
v  Le rêve d’une ascension sociale fulgurante pousse les parents à donner plus de savoir que d’éducation à leurs enfants.[144]
v  La pollution s’insinue autant dans les cœurs que dans l’air.[145]
v  L’appétit de vivre tue la dignité de vivre.[146]
v  Le mariage n’est pas une chaîne. C’est une adhésion réciproque à un programme de vie.[147]
v  Le modernisme ne peut donc être, sans s’accompagner de la dégradation des mœurs?[148] 
v  L’homme se prend pour une créature supérieure. A quoi lui sert son intelligence ? Son intelligence enfante aussi bien le bien que le mal, plus souvent le mal que le bien.[149]
v  On est mère pour affronter le déluge.[150]
v  Instruments des uns, appâts des autres, respectées ou méprisées, souvent muselées, toutes les femmes ont presque le même destin que des religions ou des législations abusives ont cimenté.[151]
v  La réussite d’une nation passe donc irrémédiablement par la famille.[152]
v  C’est de l’humus sale et nauséabond que jaillit la plante verte.[153]

*      DES SUJETS DE DISSERTATION

*      Sujet I :
Rapportant une opinion commune, Ramatoulaye, un des principaux personnages d’Une si longue lettre de Mariama Bâ note : « L’école transforme nos filles en diablesses, qui détournent les hommes du droit chemin. »
En vous basant sur votre expérience personnelle et vos différentes lectures, vous prouverez d’abord que l’école engendre des mutations négatives chez l’individu et ensuite qu’elle est porteuse de valeurs positives.

*      Sujet II :
La narratrice-héroïne d’Une si longue lettre de Mariama Bâ affirme péremptoire : « Une femme qui travaille n’en est pas moins responsable de son foyer. »
Vous expliciterez d’abord en quoi consiste la responsabilité domestique de la femme, ensuite ce que pourrait être sa responsabilité publique et enfin que la deuxième n’exclut pas la première.

*      Sujet III :
Lançant un cri du cœur, la rédactrice de la si longue lettre remarque : « Déformer une âme est aussi sacrilège qu’un assassinat. »
Dans un développement argumenté et illustré, vous montrerez premièrement que l’école est un moyen de formation et deuxièmement qu’elle peut être un instrument de perdition.

*      Sujet IV :
D’après Tante Nabou, un personnage secondaire d’Une si longue lettre de Mariama Bâ, « la qualité première d’une femme est la docilité. »
En vous appuyant sur des argumentaires pertinents et exemplifiés, vous direz, dans un premier temps ce que signifie pour vous une femme docile ; dans un second temps, vous déclinerez les autres qualités de la femme et dans un dernier temps, vous montrerez que ne pas être docile peut être synonyme de qualité dans certains cas.  

*      Sujet V :
Tante Nabou, la mère de Mawdo Bâ dans Une si longue lettre de Mariama Bâ reste convaincue que « l’instruction d’une femme n’est pas à pousser. »
En vous imaginant dans la peau de l’avocat(e) des femmes, vous démontrerez dans une première partie ce qu’apportent de grands diplômes à la femme et dans une deuxième partie que l’ambition de l’Africaine moderne ne doit pas se limiter seulement aux études poussées.

*      Sujet VI :
Reconnaissante vis-à-vis de son amie Aïssatou, Ramatoulaye dans Une si longue lettre de Mariama Bâ laisse échapper la pensée suivante : « L’amitié a des grandeurs inconnues de l’amour. »
En vous référant à vos œuvres au programme, vous justifierez premièrement ce que vous entendez par grand amour et deuxièmement ce que vous comprenez par vraie amitié.






*      Sujet VII :
L’héroïne d’Une si longue lettre de Mariama Bâ donne du mariage la définition suivante : « Se marier signifie pour moi […] un acte de foi et d’amour, un don total de soi à l’être que l’on a choisi et qui vous a choisi. »
En vous appuyant sur votre vécu social et vos lectures, vous expliciterez dans une première partie la pensée de Ramatoulaye et dans une deuxième partie, vous déclinerez votre propre perception du mariage.

*      Sujet VIII :
La mère de Ramatoulaye dans Une si longue lettre de Mariama Bâ disait à sa fille les paroles suivantes : « Une femme doit épouser l’homme qui l’aime mais point celui qu’elle aime ; c’est le secret d’un bonheur durable. »
Avec des argumentaires précis vous démontrerez que premièrement l’amour unilatéral de l’homme est la clé de la réussite d’un mariage et deuxièmement qu’une union heureuse repose sur d’autres bases.

*      Sujet IX :
« La femme ne doit plus être l’accessoire qui orne, l’objet que l’on déplace, la compagne qu’on flatte ou calme avec des promesses. »
En considérant ces propos du député Daouda Dieng dans Une si longue lettre de Mariama Bâ, vous expliquerez, d’abord ce qui fait de la femme un ornement ou un objet voire un enfant, puis ce qu’est une femme émancipée.

*      Sujet X :
« La saveur de la vie, c’est l’amour. Le sel de la vie, c’est l’amour encore. » se convainc Ramatoulaye, en pleine nuit, au fond de son lit.
Dans un développement bien argumenté et bien illustré, vous défendrez d’abord l’importance de l’amour dans la vie de tous les jours puis vous montrerez qu’il y a des choses aussi (sinon plus) vitales que l’amour dans notre quotidien.

*      Sujet XI :
« Le rêve d’une ascension sociale fulgurante pousse les parents à donner plus de savoir que d’éducation à leurs enfants. » remarque la narratrice-héroïne d’Une si longue lettre de Mariama Bâ.
En vous basant sur votre vie quotidienne et sur vos lectures, vous démontrerez dans une première partie comment se matérialise l’arrivisme des élèves et dans une seconde partie comment cet arrivisme se présente dans la société.

*      Sujet XII :
« La pollution s’insinue autant dans les cœurs que dans l’air. » proclame Ramatoulaye dans Une si longue lettre de Mariama Bâ.
A l’aide d’argumentaires pertinents, vous expliciterez d’abord la pollution des cœurs, ensuite, les autres types de pollution et enfin, leur impact dans notre environnement.





*      Sujet XIII :
Daba, la fille de l’héroïne d’Une si longue lettre de Mariama Bâ affirme sans ambages : « Le mariage n’est pas une chaîne. C’est une adhésion réciproque à un programme de vie. »
En exploitant votre expérience de lecteur, vous expliquerez premièrement que le mariage pourrait rimer avec la dépendance, deuxièmement avec l’indépendance et troisièmement vous livrerez votre conception personnelle du mariage.

*      Sujet XIV :
« L’homme se prend pour une créature supérieure. » semble critiquer Ramatoulaye dans Une si longue lettre de Mariama Bâ.
En vous appuyant sur votre expérience et sur vos lectures, vous démontrerez d’abord la supériorité de l’homme sur les autres éléments de la Création et ensuite vous dévoilerez les actes barbares ou contre-nature qui font de l’homme un être loin de la supériorité.

*      Sujet XV :
« L’homme se prend pour une créature supérieure. A quoi lui sert son intelligence ? Son intelligence enfante aussi bien le bien que le mal, plus souvent le mal que le bien. »
En faisant appel à votre culture générale, vous démontrerez les conséquences désastreuses de l’intellect humain sur l’univers d’une part et d’autre part, ses apports positifs dans le progrès de notre monde.

*      Sujet XVI :
« On est mère pour affronter le déluge. » pense très sincèrement Ramatoulaye dans Une si longue lettre de Mariama Bâ.
Selon vous, comment se matérialise le combat de la mère dans l’espace domestique ? Comment devrait-il se manifester dans l’espace privé ?

*      Sujet XVII :
« Instruments des uns, appâts des autres, respectées ou méprisées, souvent muselées, toutes les femmes ont presque le même destin que des religions ou des législations abusives ont cimenté. »
Avec des arguments et des exemples précis, vous expliciterez premièrement l’instrumentalisation des femmes, deuxièmement leur enfermement et troisièmement les voies possibles de leur émancipation.









IX-             LES SOURCES

A-    LA BIBLIOGRAPHIE
*      Aragon Louis. La Diane française. Paris, 1944.  
*      Bâ Mariama. Une si longue lettre [1979]. Dakar : Les Nouvelles Editions Africaines du Sénégal, 2017.
*      Herzberger-Fofana, Pierrette. Littérature féminine francophone d’Afrique noire. Suivi d’un dictionnaire des romancières. Paris : L’Harmattan, 2000.
*      Kane, Cheikh Hamidou. L'Aventure ambiguë. Paris : Julliard,1961.
*      Le Nouveau Littré. Paris : Editions Garnier, 2004.
*      Milly Jean. Poétique des textes. Paris : Editions Nathan, 1992.

B-    LA WEBOGRAPHIE

*      http://aflit.arts.uwa.edu.au/reviewfr_ba09.html.
*      https://www.africavivre.com/portraits-africains-portraits-afrique/mariama-ba-une-femme-une-militante-une-ecrivaine.html
*      http://gingimbre.over-blog.fr/article-34924413.html
*      https://www.nofi.media/2017/08/mariama-ba-senegal/41612
*      https://www.planete-senegal.com/images/cartesetsat/carte_cap_vert.gif




[1] - Patriotisme qui consiste à ne trouver bon que ce qui appartient à notre propre patrie.
[2] - Amadou Bâ (1892-1967) est le père de Mariama Bâ. Ancien adjoint au maire de Dakar, il a eu à remplir la fonction de ministre de la santé et de la population pendant un an dans le gouvernement du Sénégal d’avant l’indépendance.
[3] - Cette école est devenue Berthe Maubert.
[4] - Cette périphrase veut dire enfants dans la langue wolof. Elle réfère au titre d’un roman du cinéaste sénégalais Sembène Ousmane : les croyances populaires estiment que compter des êtres humains, c'est risquer de leur porter préjudice, voire de les tuer (mauvaise langue).
[5] - Pour Une si longue lettre, nous utiliserons désormais le sigle suivant S.L.L.
[6] - Cf. S.L.L., page 21.
[7] - Cf. S.L.L., page 115.
[8] - C’est un mot dérivé du concept de Womanism mis sur orbite par l’Africaine-Américaine Alice Walker. Distinguant une triple oppression pour la femme noire (celles de sexe, de sang et de race),  elle veut lutter pour toutes les femmes en situation de détresse.
[9]- Coutume par laquelle un frère épouse la veuve de son défunt frère.

[10] - Cf. S.L.L., page 117.
[11] - Cf. S.L.L., page 35.
[12] - De manière littéraire et classique signifie mariage.
[13] - Signifie littéralement un autre moi-même ou mieux un ami inséparable.
[14] - Cf. S.L.L., page 137.
[15] - Les féministes se réclament du féminisme qui est une doctrine qui combat l’oppression des femmes et vise l’émancipation des femmes. Si certaines féministes réclament l’égalité entre hommes et femmes, d’autres militent pour la complémentarité entre les deux sexes.
[16] - Personne qui use de tous les moyens possibles sans s’embarrasser de morale, pour arriver au sommet de la hiérarchie sociale ou bien pour se retrouver dans une position enviable.
[17] - Cf. S.L.L., page 58.
[18] - Le Sine renvoie à l’actuelle région de Fatick. Il constitue avec le Saloum les deux principaux royaumes sérères du Sénégal précolonial.
[19] - Phallique est le dérivé de phallus (l’organe mâle). Dans le langage de certaines féministes, la femme phallique veut dire une femme puissante.
[20] - Une des anciennes capitales du royaume du Sine.
[21]- Cf. S.L.L., page 165.
[22]- A l’époque, le Sénégal ne comptait qu’une seule université appelée Université de Dakar. L’appellation Université Cheikh Anta Diop de Dakar est survenue le 30 Mars 1987.
[23]- Cf. S.L.L., page 134.
[24]- Cf. S.L.L., page 115.
[25]- Cf. S.L.L., page 5.
[26]- Cf. S.L.L., pages 29-30.  
[27]- Cf. S.L.L., page 35.
[28]- Cf. S.L.L., page 50.
[29]- Relatif à l’écriture.
[30]- Cf. S.L.L., page 139.
[31]- Terme philosophique qu’on pourrait  comprendre comme une transformation ou substitution des motifs de souffrance par des actes ou actions positifs et rassérénérants (Explication simplifiée).
[32]- Terme désignant un des principaux points stratégiques du texte : il renvoie aux premiers mots, premières lignes ou aux premières pages d’une œuvre littéraire.
[33]- Cf. S.L.L., page 5.
[34]- Autre point stratégique du texte qui renvoie aux derniers mots, dernières lignes ou aux dernières pages d’une œuvre littéraire.
[35]- Cf. S.L.L., page 173.
[36]- Une des anciennes capitales du royaume du Sine.  
[37]- Cf. S.L.L., page 54.
[38]- Ancienne région administrative du Sénégal qui regroupait celles de  Fatick et Kaolack.
[39]- Doctrine islamique provenant de Cheikh Ahmed Tijani basée sur le Coran et la Sunna (pratique) du Prophète Mohammed (Paix et Salut sur Lui), elle est surtout répandue dans des pays comme le Maroc, l’Algérie et le Sénégal.
[40]- Cf. S.L.L., page 55.
[41]- Ancienne capitale du Sénégal et une des Quatre communes avec Gorée, Rufisque et Dakar  dont les habitants étaient considérés comme des citoyens français au temps colonial.  
[42]- Actuellement, Dakar s’est agrandi et ses banlieues sont surtout Pikine, Guédiéwaye, Bargny et Rufisque.
[43]- Cf. S.L.L., page 43.
[44]- Signifie Société Immobilière du Cap-Vert.
[45]- Relatif à la thérapie qui veut dire traitement médical d’une maladie.
[46]- Cf. S.L.L., pages 45-46.
[47]- Le Nouveau Littré, page 874.
[48]- Expression qui désigne tous ceux qui tirent profit de la mort.
[49]- La cérémonie du troisième jour voit certains investir des fonds pour en récolter le double.  
[50]- Cf. S.L.L., page 9.
[51]- Cf. S.L.L., page 18.
[52]- Ibidem.
[53]- Ibidem.
[54]- Cf. S.L.L., note bas de page de la page 21.
[55]- Cf. S.L.L., page 27.  
[56]- Cf. S.L.L., pages 10-11.  
[57]- Cf. S.L.L, page 19.
[58]- Cf. S.L.L., page 104.
[59]- Cf. S.L.L., page 86.  
[60]- Cf. S.L.L., page 95.
[61]- Cf. S.L.L., page 90.
[62]- Louis Aragon. « Il n’y a pas d’amour heureux » In : La Diane française. Paris, 1944.  
     Ce poème a été mis en chanson par Georges Brassens et Youssou Ndour.
[63]- Que ce soit Binetou ou la petite Nabou, elles ne décident pas seules de leurs mariages. Leurs unions résultent de la toute puissance et de la seule volonté de femmes autoritaires comme Dame Belle-mère et Tante Nabou.  
[64]- C’est une marque de voiture. Cf. S.L.L., page 23.  
[65]- Cf. S.L.L., page 78.
[66]- Cf. S.L.L., page 74.
[67]- Cf. S.L.L., page 113.
[68]- Un handicapé présente une déficience physique ou mentale. Dans une acception moderne, on parle de handicapés visuel, moteur ou auditif.
[69]- Cf. S.L.L., page 65.
[70]- Cf. S.L.L., page 39.
[71]- Cf. S.L.L., page 61.
[72]- Cf. S.L.L., page 83.
[73]- Cf. S.L.L., page 86.
[74]- Le Nouveau Littré, page 90.
[75]- Cf. S.L.L., page 78.
[76]- Cf. S.L.L., page 77.
[77]- Cf. S.L.L., page 137.
[78]- Cf. S.L.L., page 13.
[79]- Cf. S.L.L., page 64.
[80]- Cf. S.L.L., page 64.
[81]- Cf. S.L.L., page 38.
[82]- Cf. S.L.L., page 48.
[83]- Cf. S.L.L., page 48.
[84]- Cf. S.L.L., page 48.
[85]- Cf. S.L.L., page 48.
[86]- Cf. S.L.L., page 48.
[87]- Cf. S.L.L., page 48.
[88]- Cf. S.L.L., pages 50-51.
[89]- Cf. S.L.L., page 118.
[90]- Cf. S.L.L., page 39.
[91]- Cheikh Hamidou Kane. L'Aventure ambiguë. Paris : Julliard,1961.
[92]- Cf. S.L.L., page 92.
[93]- Cf. S.L.L., page 143.
[94]- Cf. S.L.L., page 120.
[95]- Cf. S.L.L., page 112.
[96]- Cf. S.L.L., page 143.
[97]- Cf. S.L.L., page 112.
[98]- Cf. S.L.L., page 144.
[99]- « Chose ou objet que la morale, la société ou la religion réprouve. » In : Le Nouveau Littré, page 1368.  
[100]- Cf. S.L.L., page 137.
[101]- Cf. S.L.L., page 5.
[102]- Terme qui signifie bout, fin ou conclusion.
[103]- Cf. S.L.L., page 175.
[104]- Cf. S.L.L., page 5.
[105]- Relatif à témoignage lequel est un mot de la même famille que témoin.
[106]- Qui exprime des sentiments intimes et profonds.  
[107]- Cf. S.L.L., pages 8-9.
[108]- Cf. S.L.L., pages 14-15.
[109]- Cf. S.L.L., page 119.
[110]- Cf. S.L.L., page 19.
[111]- Cf. S.L.L., page 21.
[112]- Cf. S.L.L., page 53.
[113]- Cf. S.L.L., page 6.
[114]- Cf. S.L.L., page 13.
[115]- Cf. S.L.L., page 29.
[116]- Cf. S.L.L., page 5.
[117]- Cf. S.L.L., page 6.

[118]- Cf. S.L.L., page 17.

[119]- Cf. S.L.L., page 25.

[120]- Cf. S.L.L., page 31.
[121]- Cf. S.L.L., page 37.
[122]- Cf. S.L.L., page 42.
[123]- Cf. S.L.L., pages 47-48. 
[124]- Cf. S.L.L., page 48.
[125]- Cf. S.L.L., page 49.
[126]- Cf. S.L.L., page 59.
[127]- Cf. S.L.L., page 60.
[128]- Cf. S.L.L., page 60.
[129]- Cf. S.L.L., page 62.
[130]- Cf. S.L.L., page 71.
[131]- Cf. S.L.L., page 81.
[132]- Cf. S.L.L., page 81.
[133]- Cf. S.L.L., page 82.
[134]- Cf. S.L.L., page 104.
[135]- Cf. S.L.L., page 107.
[136]- Cf. S.L.L., page 107.
[137]- Cf. S.L.L., page 109.
[138]- Cf. S.L.L., page 112.
[139]- Cf. S.L.L., page 115
[140]- Cf. S.L.L., page 119-120.
[141]- Cf. S.L.L., page 124.
[142]- Cf. S.L.L., page 141.
[143]- Cf. S.L.L., page 142.
[144]- Cf. S.L.L., page 142.
[145]- Cf. S.L.L., page 142.
[146]- Cf. S.L.L., page 142.
[147]- Cf. S.L.L., page 143.
[148]- Cf. S.L.L., page150.
[149]- Cf. S.L.L., pages 155-156.
[150]- Cf. S.L.L., page 162.
[151]- Cf. S.L.L., page 173.
[152]- Cf. S.L.L., page 174.
[153]- Cf. S.L.L., page 175.

Commentaires

  1. Je remercie beaucoup les auteurs de ce travail exceptionnel et je donne 5 étoiles.

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    1. Cette étude critique n'a qu'un seul auteur; tous les articles du blog ruelle des affriquée restent et demeurent l'œuvre d'un seul passionné de la littérature et des lettres. C'est votre serviteur Mbayye Juff. Merci pour votre appréciation.

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