Conclusion générale


                    Au terme de notre immersion dans la production romanesque de Calixthe Beyala, il convient de remarquer tout simplement que la Camerounaise est un témoin éloquent de son époque. A l’instar d’une Aminata Sow Fall (n’en déplaise à leurs thuriféraires), elle nous offre un portrait saisissant des Négro-Africains et de l’Afrique noire des années mil neuf cent soixante-dix, quatre vingt et quatre-vingt dix. Partant de cela, la peinture de l’Afrique  post-coloniale constitue une mise en relief du faix qui pèse sur le continent noir, les consciences africaines et la femme africaine. La crise à multiple visage (aux plans social, physique et mental) qui étouffe le continent est étalée dans toute sa laideur à travers les dix romans constitutifs de notre corpus.
                    C’est ainsi qu’aucun élément humain ne sort grandi de l’empreinte stylistique acerbe de Beyala. L’homme africain et la femme africaine de la modernité ne semblent pas recueillir les suffrages de cette Amazone des lettres. Dans l’optique d’une reconstruction-déconstruction du continent-mère, la femme béti trempe sa plume dans le fiel pour dégrader et disqualifier aussi bien le mâle que la femelle nègre. Dans le dessein de faire quitter à cette dernière sa position périphérique pour la faire accéder à celle de la centralité, elle propose entre autres solutions la distanciation, la sororité, la gemellité et la mythographie.
                    Toutefois, la polémologie dans le corpus romanesque de Beyala nous  confirme que l’arme miraculeuse pour elle demeure le dévoilement du corps de la femme. Celle-ci opère comme une bombe à fragmentation qui bouscule et détruit les ordres mâle, religieux, politique et patriarcal. Tel un polémarque averti, la femme béti fait de la corporéité son arme de destruction massive. Ce qu’on cachait et enrobait du voile du silence et de la pudeur, elle le met à nu et l’exhibe fièrement afin de briser les règles qui consacraient la relégation et la réification de l’entité-femme.
                    Par ce faire, elle prône et elle prêche pour une certaine ouverture sociale, pour une nouvelle société dans laquelle la femme sera l’alter égo ou le complément de l’homme. C’est ce même souci qui préside à la polyphonie vocale et linguistique qu’on constate dans les écrits de Beyala. En guerre contre tout hégémonisme, elle fait cohabiter dans l’espace textuel français de France, français d’Afrique, langues autochtones africaines et toutes les influences linguistiques auxquelles ont été en butte les Négro-Africains (l’allemand, l’anglais, l’arabe). Ce qui consacre naturellement la visée démocratique de l’écriture de Beyala.
                    Cet esprit démocratique fait que l’écriture de la Camerounaise s’inscrit dans une quête perpétuelle. A l’activisme féministe à-tout-va des débuts, fait suite maintenant un féminisme plus serein, plus conciliant, plus féminitud[isant], plus humaniste. Beyala semble dans ses dernières productions fuir tout ce qui est carcan, regroupement, cloisonnement. Même si son écriture est francophone, elle ne se veut pas écrivain francophone ; même si celle-ci est féministe, elle aspire à une certaine féminitude. Dans cette logique d’altruisme et d’empathie, l’on aurait aimé que la compatriote de Mongo Béti poursuive sur sa lancée en matérialisant sa théorie de la féminitude en actes concrets. Cela passe pour nous par la descente et le prêche sur le terrain africain, par le contact avec l’Afrique des profondeurs, la création d’émules à son idéologie littéraire et politique mais aussi la jonction et la fusion des différents efforts feminist, womanist et motherist afin que le mouvement féministe devienne une réalité purement africaine et non pas quelque chose de l’ordre du discours.

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